Guide pratique de l'hyperactivité dans l'Hexagone

Trouble des conduites et trouble des consciences.

Rapport de l'INSERM sur le trouble des conduites et réactions sociétales.

Si nous appartenions au monde des insectes, l'entomologiste pourrait dire dans son rapport ceci : la société des insectes ne peut évoluer car ses membres sont réfractaires au changement. Il ajouterait : l'idée même du changement est génératrice d'angoisse et d'agressivité..

En France on est pour ou contre et on a l'habitude de jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce radicalisme anime la vie politique et syndicale et désormais déborde sur la sphère scientifique. En science, il ne s'agit pas d'être pour ou contre, il s'agit de savoir si les assertions sont exactes ou fausses. Sortant du domaine de la recherche et des sciences, on prête aux experts des propos qu'ils n'ont jamais tenus. Et si on reconnaît la qualité de leur travail, c'est pour s'inquiéter d'une exploitation fasciste de leurs conclusions.

Quand ce sont des professionnels qui témoignent d'une telle malhonnêté intellectuelle, c'est particulièrement grave car la majorité de la population a encore une image positive du corps médical et ne s'imagine pas que comme tout être humain, il laisse parler leurs affects avant leur intellect.

Tout cela serait finalement assez amusant si au passage ces messieurs dames ne violaient pas le serment d'Hyppocrate, c'est à dire celui d'assister leur patient. Que font-ils de tous ces jeunes qui arrivent à l'adolescence, rejetés du système scolaire après avoir eu le plaisir d'avoir affaire aux uns et aux autres à tel point qu'ils ne veulent surtout plus entendre parler de psychiatres ou de psychologues. Car ce que vous vous gardez bien de dire, c'est que vous avez affaire quotidiennement à ces jeunes difficiles. Vous vous renvoyez la balle (ou plutôt la "patate chaude") disant aux services sociaux qu'ils n'ont pas de pathologies psychiatriques ( c'est la faute aux difficultés sociales des parents incapables de les élever). En face les éducateurs n'y croient pas vraiment. Des jeunes aussi ingérables ont forcément une pathologie. Ils vous interpellent car ils sont las de supporter les jeunes en crise.

On vous dira qu'il ne faut pas stigmatiser les enfants si jeunes car ils ont bien le temps d'évoluer... Et quand ça ne passe pas, il est déjà bien tard pour se demander ce qu'ils peuvent bien avoir. Tout cela témoigne d'une méconnaissance de la réalité. On voit bien ici que ceux qui s'expriment n'ont pas la moindre idée de ce que vivent ces jeunes et leurs parents. Quand un enfant manifeste un trouble du comportement, tous les projecteurs professionnels et institutionnels se braquent sur lui. Les parents concernés en savent quelque chose, c'est l'enseignant qui leur explique que l' enfant est ingérable, c'est l'équipe éducative qui se réunit et faute de savoir exactement ce que peut bien avoir le bambin, on propose l'orientation classique vers le cmpp ou cmp. Et je passe sur l'attitude des autres parents à la sortie des classes qui vous battent froid quand ils ne vous agressent pas. Quand un enfant a un comportement voyant, - un trouble des conduites l'est obligatoirement - la société le montre du doigt. Les experts de l'INSERM ne risquent pas de le stigmatiser, il l'est déjà, par l'école, par le voisinage par les proches et même par ceux qu'on croyait être ses amis. Le comportement de l'enfant plonge toute sa famille dans l'opprobre. Les parents sont au mieux des incapables, au pire des maltraitants. Chacun s'imagine pouvoir faire mieux. Et si tentant l'expérience, on s'aperçoit qu'on n'y arrive pas, la conclusion sera simple : les parents l'ont mal élevé, un point c'est tout.

Puisque l'enfant est déjà catalogué, il vaudrait mieux essayer de savoir d'où viennent les problèmes... et commencer à investiguer dès 3 ans, n'a pour moi rien de choquant à condition qu'on le fasse vraiment. Car ce n'est pas en utilisant les circuits habituels qu'on y parviendra. Parents sachez le si votre enfant a des difficultés de ce type vous êtes englobés dans l'interrogation des professionnels. Il y a quelque chose qui ne va pas chez vous. C'est peut-être vrai, peut être pas. Et si c'est vrai, c'est peut-être insuffisant de s'arrêter là. Pour faire la part des choses, il vaut mieux s'y prendre tôt. Car quelques années plus tard, quand l'enfant constamment rejeté par ses pairs et même par sa famille aura accumulé des années de souffrance psychologique, il deviendra bien difficile d'y remédier. Là plus personne n'osera contester la gravité du problème mais il faut le savoir, certains dégâts seront irréparables et notamment l'échec scolaire. Après des années de rejet et d'échec, les difficultés psychologiques sont telles qu'il devient difficile d'espérer que la remédiation sera efficace. Pas de "résilience" pour ces jeunes. Adultes, ils auront bien du mal à vivre.

Etrange, étrange....

Je me souviens avoir eu un long entretien avec une psychologue qui m'expliquait nécessaire d'agir avant même la naissance auprès de futurs parents qu'on avait repéré en difficulté et donc en risque d'être des mauvais parents. Cette personne m'a dit qu'intervenir à l'adolescence était beaucoup trop tard, et qu'il fallait agir précocément. Je suis bien d'accord.

Alors pourquoi s'offusquer des propos de l'expertise ?

Je suis bien obligée de penser que dans l'esprit de ces professionnels, c'est la famille qui reste l'unique source de risque pour l'enfant. En affirmant que certains enfants présentent des particularités constitutionnelles qui favorisent les comportements associaux, on va à l'encontre des théories psychosociales, psychanalytiques etc bref de tous ceux qui ne peuvent envisager une cause organique à l'origine de certains "troubles des conduites" des enfants.

Les comportements psychopathologiques que génèrent certaines déficiences non diagnostiquées peuvent devenir extrêmement graves mais cela n'est pas envisageable ni même conceptualisable par une partie des professionnels. Je ne peux pas m'empêcher de relever ici la marque de notre culture judéo-chrétienne que la psychiatrie a su relayer lorsque la pratique religieuse a été abandonnée. On est en plein dogme. Ce que traduit en fait la polémique, chers parents, c'est une véritable querelle de chapelles.

Sommes nous des purs esprits ? Chacun y répondra selon sa croyance. Mais que personne n'oublie que nous sommes des êtres vivants avec un organe qui joue un rôle essentiel dans nos aptitudes et nos affects : le cerveau.

Parents, surtout ne vous laissez pas impressionner ! Il n'y aucune raison d'avoir peur. L'institut national de la recherche scientifique n'est pas un club de dangereux apprentis sorciers mais au contraire rassemble des scientifiques de très haut niveau qui ont pour objectif de faire avancer la recherche en posant des questions majeures pour l'avenir de notre société.

Comprendre pourquoi certains jeunes ont des comportements difficiles c'est aussi interpeler le corps social et l'école en premier lieu sur la place qu'elle fait à ces jeunes et les moyens qu'elle se donne pour traiter la question. Quelques spécialistes ont des clefs, écoutons les et modifions dans nos attitudes ce qui peut être toxique pour ces jeunes. Leurs parents n'ont pas besoin qu'on les montre du doigt, ils ont surtout besoin que le corps social change d'attitude et se montre soutenant.

Je l'ai constaté à plusieurs reprises : quand un enfant pique une colère en public et qu'il ne se calme pas, ce sont généralement les parents qu'on agresse. Quand on est parent de ce type d'enfant, il faut bien connaître les codes sociaux et institutionnels pour tuer ces dérapages dans l'oeuf. Sinon gare à l'intervention des services sociaux, du juge et aux expertises faites par des spécialistes hermétiquement contre ce type d'approche. Bien sûr il faut s'interroger sur l'intolérance de la société. Mais si on veut que les choses évoluent, il ne suffit pas d'incantation. Il faudra passer par une bonne connaissance des interactions entre les personnes normées et les personnes à particularité. Alors seulement on pourra travailler sur les relations toxiques qui se créent et sur la meilleure façon d'y remédier.

Il est essentiel que les gens normés prennent conscience des conditionnements qui sont les leurs et des certitudes qu'ils comportent. Dans une relation il faut être deux. Notre réponse à un comportement inadapté est conditionnée par l'éducation que nous avons reçu et par notre affect. Ces automatismes sont efficaces la plupart du temps mais deviennent toxiques quand ils concernent une personne qui a des capacités de traitement de l'information insuffisantes.

Comme dans les communautés d'insectes où l'individu doit se comporter dans les règles sous peine d'être expulsé ou détruit, notre société de plus en plus normée, de plus en plus communautaire, exige de chacun un strict respect des règles du groupe sous peine de bannissement. Par ailleurs les espaces de liberté se réduisent dramatiquement. Il n'y a plus de lieu qui ne soit assorti d'une règlementation stricte. Le temps où les enfants pouvaient courrir en toute liberté aux alentours de leur maison est révolu. Ces contraintes de plus en plus nombreuses qui exigent de notre part un contrôle accru, certains ne sont pas armés pour les gérer.

Nous nous croyons "évolués". Quelle prétention ! L'exclusion forme moderne du bannissement n'a pas que des causes économiques. Elle est couramment pratiquée à l'égard des jeunes à particularités dont une grande partie d'entre eux n'ont rien de handicapés mentaux. Ils sont d'intelligence normale, ce qui rend les gens normés particulièrement intolérants à leur comportement. Chez eux, le tempérament hyperactif déclanche une irritation réflexe qui se traduit par des attitudes de rejet. Rares sont ceux qui spontanément réagissent bien devant une personne qui " tape sur le système".

Certains d'entre eux verront leur comportement s'arranger "tout seul". C'est ce qu'on croit ! L'hyperactif ne l'est plus à l'âge adulte. Mais faute de prise en charge précoce, il risque de cumuler les "handicaps" sociaux.

Ceux qui s'indignent des termes du rapport de l'INSERM ne l'ont généralement pas lu, parfois l'ont parcouru et se sont focalisés sur certains termes sans se donner la peine de les remettre dans leur contexte. Beaucoup se sont contentés de lire les commentaires qu'on en a fait. Cela les autorise à leurs yeux à donner leur point de vue... . Ils réagissent alors en fonction de leurs présupposés. Car tout le monde a son avis sur tout et sait de quoi il parle !

Etes vous pour ou contre le gouvernement en place ? si non, il y a fort à parier que vous serez contre le rapport de l'Inserm. Pourquoi ? parce que vous l'accuserez de donner des arguments à la réforme en cours.

Etes-vous parent ? Vos enfants sont-ils faciles à élever ? Si oui. Vous me direz qu'il suffit de s'occuper de ses enfants et de faire preuve d'autorité pour règler la question. Si non. Il y a fort à parier que les difficultés n'ont commencé à se poser qu'à l'adolescence.

Pendant des années, vous ne vous êtes guère posé de questions : tout allait bien. Vous découvrez que l'adolescence est difficile, notamment parce que vous n'étiez pas préparé à gérer la rebellion de votre enfant. Ce n'est pas simple. Certes mais il va falloir que vous appreniez à être parent de cet ado et que vous changiez les méthodes que vous utilisiez avec lui jusqu'ici parce que cela ne marche plus. Mais vous ne faites pas partie non plus des situations qui préoccupent l'INSERM.

Etes-vous un psy ? Combien de fois avez-vous "rassuré" les parents avec des termes tels que dysharmonie d'évolution, ou trouble de structuration de la personnalité. Vous et moi savons bien que ces termes sont purement descriptifs et n'apportent aucun éclairage sur la cause des difficultés. A trois ans, c'est trop tôt, pensez-vous, il faut lui laisser le temps d'évoluer. Avec des termes tels que ceux que vous utilisez pour qualifier ses difficultés ! Franchement je doute que la nature seule fera bien les choses.

Pourquoi êtes vous hostile au traitement du TDAH par le méthyphénidate ? Parce qu'on ignore les répercussions sur l'enfant d'une prise à long terme et parce que cela ne règle pas le problème de comportement. Mis à part le fait que le méthylphénidate est la molécule qui a éte le plus étudiée au monde,expliquez moi pourquoi vous avez beaucoup moins de rétiscence avec le risperdone ? Traitement dont le centre national hospitalier d'information sur le médicament considère que ce n'est pas une indication du TDAH. Savez-vous que nombre de parents renoncent à vous confier leur enfant parce que vous contestez le traitement ? Un suivi psychologique est indispensable sur ce point je n'en disconviens pas. Alors pourquoi découragez-vous les parents à venir vous voir?

Oui mais le petit "x"que vous suivez évolue bien sans traitement. Etes-vous certain, docteur, qu'il ne prend pas de méthylphénidate ? Non? A votre place je ne le parierai pas. Car ce n'est pas à vous que les parents viendront le dire.

 

Carla

mars 2006