Guide pratique de l'hyperactivité dans l'Hexagone


Comprendre ce qui se joue dans les relations parents / école collège


Je travaille à titre professionnel le sujet de la parentalité (éducation) ; or, la première question qu'évoque les parents est celle de la relation avec l'école. Elle est récurrente chez tous les parents. A plus forte raison chez les parents d'enfants tdah...

 

Les enseignants ont-ils conscience que l'école est LA préoccupation principale des parents ? Je leur laisse le soin de répondre.

Quelle représentation les enseignants se font-ils des parents ?

Le parent qui a un enfant en difficultés (quelle qu'en soit la nature) suscite plus ou moins consciemment chez l'enseignant un présupposé : si l'enfant a des difficultés, c'est que le parent ne sait pas éduquer son enfant correctement. Et si le parent a conservé un mauvais souvenir de ses annés d'école, alors il y a un risque qu'ils aient des difficultés à communiquer correctement. Heureusement, notre parcours de parents est jalonné d'exemples qui démontrent le contraire mais ces exemples là sont finalement peu nombreux. Comment expliquer ces exceptions ?

. votre enfant est assez peu atteint : autrement dit il dispose de capacités de contrôle sur son comportement et il n'a pas de difficultés d'apprentissage associées. Surtout il n'a pas de problème de socialisation et est donc relativement facile à gérer

. cet enseignant a une qualité rare et peu fréquente : il ne se réfère pas aux critères de la norme pour comprendre le comportement scolaire et social de votre enfant. Votre enfant a peut-être aussi un certain capital sympathie. Cet enseignant là est rare. Il est important de le reconnaître car la majorité fonctionne autrement.


Comment la plupart des enseignants s'adaptent-ils à nos enfants ?

Pour la grande majorité d'entre eux, un travail d'apprentissage doit se faire et il ne va pas de soi. L'enseignant devra petit à petit apprendre comment fonctionne votre enfant et changer ses repères.

Et pour comprendre votre enfant, il devra impérativement modifier sa façon de penser en renonçant aux jugements de valeur dont son raisonnement est généralement imprégné. Il n'est pas le seul dans ce cas, c'est toute la société française qui fonctionne ainsi : chacun de nos comportements est connoté de façon positive ou péjorative. Nous sommes incapables d'apprécier les autres en dehors du prisme du jugement de valeur : ainsi celui qui ne travaille pas est forcément un fainéant. Et l'enfant qui ne veut pas travailler a nécessairement des parents qui ne lui inculquent pas la valeur de l'effort.

Comment les parents peuvent-ils contribuer à cette adaptation ?

Rencontrer l'enseignant, qui pourra constater au travers des échanges que nous sommes des parents concernés, est donc vital pour les relations futures. Car l'enseignant aura d'autant plus envie de s'occuper de l'enfant qu'il appréciera le parent. Le professionnel qui sait que les parents sont présents, investis, avertis et concernés, ne s'occupe pas de l'enfant de la même façon.

Restera un problème à gérer : les enseignants bien souvent ne sont pas des spécialistes de la communication. Beaucoup d'entre eux se positionnent avec les parents comme avec leurs élèves. Ils attendent donc du parent qu'ils soient leur prolongement. Or s'il est indispensable que l'enfant sente qu'il y a accord entre l'enseignant et ses parents, il est vital que l'enseignant considère le parent comme son « égal » dans la relation qu'ils entretiennent. Même si le rôle des parents et celui des enseignants est différent, il est complémentaire. Cette complémentarité ne signifie pas infériorité. Or je l'ai constaté, certains ont un peu tendance à se placer en position d'enseignant à l'égard des parents. Ce qui favorise cette attitude, c'est la crainte que nous avons en disant clairement ce qui ne va pas que l'enseignant prenne notre enfant en grippe. Quand les choses sont dites sans agressivité, rien de tel se produira. Et si l'enseignant accumule les erreurs tactiques, ce n'est pas parce que vous vous tairez que les choses s'amélioreront. Le mode dans lequel s'instaure la relation est essentiel. En effet dans l'histoire, parents et enseignants sont d'une certaine manière associés. Tous deux ont un rôle d'éducateurs. Et si les parents inculquent les bases de l'éducation, c'est à l'école que se fait la socialisation. L'enfant expérimente les règles qu'il a apprise dans un cadre totalement différent, avec des pairs et sous le regard qui devrait être vigilant des adultes présents.

Pour pouvoir s'autoriser à dire à l'enseignant qu'il fait des erreurs d'appréciation, il faut aussi être capable de prendre en compte ses contraintes personnelles et si celui-ci sait communiquer il vous les dira. Certaines nous échappent comme par exemple la difficulté à surveiller la cour de récréation lorsqu'elle a suffisamment de recoins dans lesquels les jeunes peuvent échapper à sa surveillance, ou le nombre d'enfants en difficultés qu'il a dans sa classe. Pour peu que vous soyez dans une écoute attentive, vous apprendrez que s'il craint de faire une sortie avec votre bambin, c'est peut-être tout simplement parce qu'il a dans sa classe une dizaine de petits durs qui sont difficiles à contrôler et qui ont décidé de s'amuser aux dépens de votre enfant. Même si vous trouvez injuste qu'on veuille l'écarter de la sortie pour avoir la paix avec les autres, gardez-vous de le manifester. Dites plutôt qu'en utilisant les modes de gestion que vous lui avez indiqué, il n'y a aucune raison que cela se passe mal.... En d'autres termes, il faut toujours chercher des arguments qui peuvent le concerner plutôt que de vous faire l'avocat de votre enfant.

 

Quels sont les obstacles à surmonter ?

 

Le premier malentendu concerne nos capacités éducatives. Votre enfant ne respecte pas les règles : donc vous l'avez mal éduqué. Vous le savez, votre entourage n'en pense pas moins. Or la particularité de nos chérubins, à fonctionner avec les règles de comportement qu'on leur a apprises. Même si nous éduquons correctement nos enfants, ils ne respecteront pas les règles de vie en société. C'est là que l'enseignant et de façon générale la communauté éducative a un rôle essentiel à jouer. Pour cela il faut que deux conditions soient réunies : que l'enseignant se soit rendu compte que l'enfant a bien reçu une éducation correcte, et qu'il ait observé et compris les raisons pour lesquelles il n'arrive pas à les respecter. Apprendre à éduquer nos enfants est une nécessité, et dans ce propos, je pars du principe que cette condition est réalisée.

L'impulsivité c'est à dire l'incapacité à se contrôler est à l'origine des difficultés. Or ce risque peut-être largement réduit si un travail s'opère sur le groupe classe. Les camarades doivent apprendre à ne pas le « provoquer ». Sans cette intervention, généralement la situation dégénère. Car les enfants ont tôt fait de repérer qu'on peut pousser à l'erreur le petit tdah et bien entendu, ils ne s'en privent pas.


Votre enfant, jeune ne calcule pas ses réactions, il est donc beaucoup plus voyant que ses camarades qui eux ont bien compris la règle du jeu :"faire ce qui est interdit en dehors du regard de l'enseignant". Pour l'enseignant, cela demande de vouloir décrypter ce qui se joue entre les camarades de classe. Cela signifie qu'il a compris que le préalable c'est de gérer les relations interpersonnelles et donc d'intervenir afin d'établir des règles qui permettront aux enfants différents de se sentir bien à l'école.


Tous nos enfants sont différents : et là je signale au passage, ce qui me paraît pour moi le plus difficile à gérer. Parmi les moins impulsifs et les plus intelligents, certains sauront jouer sur les apparences. Ceux-là pourront faire illusion ce qui rendra difficilement cohérent le langage des parents. Parents de ces enfants, soyez très vigilants : sur le plan scolaire, ils pourront probablement s'en sortir assez bien, mais votre éducation sera compliquée, car personne autour de vous ne voudra admettre les particularités de votre enfant et au final c'est vous qui serez considérés comme « toxiques ». Même si ces situations là sont peu nombreuses, elles existent malheureusement. Il est difficile de conserver du recul vis à vis de ces gamins, qui vous mettent dans des situations impossibles alors même qu'ils ont contrôlé leurs actes. Logiquement on en veut à celui qui a agi intentionnellement et les relations familiales ne peuvent que s'en ressentir... A l'adolescence, pour peu que ces jeunes aient été diagnostiqués trop tard, on se trouve confronté à ce que les professionnels appellent une psychopathologie. Le jeune très impulsif n'aura pas ce fonctionnement et même si au départ les choses paraîtront plus compliquées, au final ce sera plus simple, car contrairement au cas précédent, vous arriverez petit à petit à convaincre pour le plus grand bénéfice de votre enfant.


Ceci étant, une fois que de bonnes conditions sont réunies à savoir le respect du parent par l'enseignant et réciproquement, la volonté de l'enseignant de s'occuper correctement de votre enfant, le travail n'est pas fini, et même il ne fait que commencer.

Car vous vous rendrez compte que nonobstant vos explications, lesquelles paraissent comprises par l'enseignant, il va au fil des mois oublier ce que vous lui avez dit pour reprendre ses habitudes standard. La teneur des appréciations sur le bulletin scolaire est révélatrice de cet état de fait.Car il y a loin de la théorie à la pratique. Peu importe que vous ayez été clair(e) et « pédagogue », l'enseignant lui a des réflexes : il est conditionné par sa propre éducation, sa formation et sa pratique professionnelle.

L'enseignant devra compter avec les attentes des autres parents qui auront vite fait de considérer votre enfant comme un gêneur dont il faut se débarrasser. Cette pression là les enseignants la vivent et parfois même se joue entre l'enseignant et certains parents, une sorte d'alliance objective pour se débarrasser de l'intru. Au départ, il y a un enseignant qui a pris l'enfant en grippe parce qu'il ne le supporte pas et au final il aura contaminé toute la communauté éducative et même les autres parents. Nos enfants sont des révélateurs car ils poussent les adultes à la limite. Les vraies personnalités se révèlent : c'est ainsi qu'une des enseignante de mon fiston avait dit devant son incapacité à s'en occuper : ce sera lui ou moi. La même avait visiblement un problème avec les garçons et une nette préférence pour les filles : chacun tirera les conclusions qu'il voudra de ce genre de comportement. Mais devant la surprise suscitée par son attitude, il est clair que mon fiston a fait apparaître des aspects complètement ignorés de sa personnalité.

Sachez-le quand ce type de situation se produit, vous ne pourrez généralement pas compter sur le reste de la communauté éducative. Le schéma classique c'est que le directeur ou la directrice prend fait et cause pour l'enseignant(e), les autres n'interviennent pas et comme en général les parents ont été mobilisés contre, il ne reste plus qu'à partir... la situation est tout simplement pourrie.


Le plus souvent heureusement la situation n'est pas aussi dramatique, mais elle reste difficile pour tout le monde.
La grande majorité des enseignants mettra beaucoup de temps à comprendre comment fonctionne votre gamin et donc à intervenir à bon escient autrement dit à sanctionner de façon efficace. J'ai même pu constater qu'un enseignant « oubliait » pendant les grandes vacances ce que tdah voulait dire. Lorsque la fin de l'année arrive, l'enseignant commence à être performant avec notre enfant. Mais cet acquis ne dure pas, l'année suivante il aura un autre enseignant avec lequel tout est à refaire. Le parcours scolaire est donc inévitablement cahotique car tous les enseignants ne manifestent pas les mêmes aptitudes pour s'occuper de nos enfants.


En fait il faut être présent chaque fois que c'est utile, et généralement après un incident, la rencontre avec l'enseignant est indispensable. C'est le moment d'en profiter pour rappeler des explications oubliées. Et il n'y a pas que l'enseignant qui est concerné, votre enfant aussi. Car le contrôle de soi est un exercice qui prend des années. L'impulsivité le met dans des situations impossibles et il faut qu'il intègre que le contrôle de ses réactions est une condition "sine qua non" de la vie sociale et professionnelle.


La donnée temps n'est pas la même pour l'enseignant et pour les parents. Nous finissons par admettre qu'il faudra du temps, beaucoup de temps pour parvenir à un résultat scolaire, social et professionnel correct. L'enseignant est attaché au cadre de l'année scolaire et ne va généralement pas au-delà. Il sera tenté de considérer que les progrès sont insuffisants et que sa place en classe ordinaire ne se justifie pas. Tout au long de sa scolarité, il sera nécessaire de combattre cette tendance de l'école à sortir du cadre ordinaire l'enfant qui ne rentre pas dans la norme.

 

Pour les hyperactifs, la question du comportement est récurrente pendant les années école et collège. A l'école, on peut trouver une tolérance de la part des enseignants. Au collège, cette tolérance diminue fortement et notamment après le passage de la 6ème. Les années collège pour ces raisons me paraissent risquées. Au lycée, ce sont les difficultés d'apprentissage qui sont voyantes. A cet âge, l'agitation motrice a généralement diminué suffisamment pour que le comportement devienne proche de la norme. Une petite proportion d'entre eux malheureusement continuera à poser problème aux familles car ils sont entrés dans des conduites à risque.


Jusqu'où peut-on pousser nos exigences ?

En conclusion, j'aborderai la question de nos exigences. L'enseignant à juste titre estime qu'il n'a pas de leçon de pédagogie à recevoir. Il faut donc être mesuré lorsque nous demandons quelque chose. Généralement, il conviendra de recourir au PAI (projet d'accueil individualisé) ou au PPS (projet personnalisé de scolarisation) pour préciser les aménagements attendus. Mais attention, il y aura toujours le risque que l'enseignant considère que l'on fait intrusion dans ce qui ne nous regarde pas et pour lesquels ils sont mieux formés que nous. PAI et PPS ne fonctionnent bien que lorsque les enseignants sont motivés. Il y aura toujours problème avec ceux qui refusent d'adapter leur pédagogie aux difficultés de l'enfant : ceux là considèrent que c'est à l'enfant de s'adapter et que s'il n'y arrive pas, il n'a rien à faire à l'école.

Pour éviter cet éccueil, il vaut mieux parler de ce que nous connaissons mieux que personne c'est à dire du fonctionnement de notre enfant.

Il y a des règles simples que l'on a malheureusement beaucoup de mal à obtenir comme faire des polycopies aérées ou réduire le nombre de question d'un exercice... Il est plus que logique que le petit tdah surtout en primaire soit au premier rang et voire même seul parce qu'il bouge trop. Certains enseignants le font spontanément d'autres pas... Jusqu'où va-t-on pousser notre exigence ? personnellement, c'est aux appréciations que je me suis systématiquement attaquée. Et je suis remontée à la charge inlassablement. Les enseignants ont pris conscience que je faisais travailler mon fiston tous les soirs à la maison (j'étais parfaitement au courant du travail qu'il avait à faire).J'argumentais le fait que ne pas travailler systématiquement en classe ne signifiait pas qu'il ne voulait pas travailler, mais qu'il ne pouvait pas le faire dans un contexte collectif. A l'appui, les explications : il suit et il apprend beaucoup mieux en situation duelle. Je suis donc arrivée à l'usure à leur faire admettre qu'il avait de vraies difficultés. D'où petit à petit une modification des appréciations portées sur le bulletin scolaire. Bien sûr cela m'a pris du temps, beaucoup de temps.

Il m'est arrivée de me montrer désagréable lorsque mon fils avait été sanctionné de façon complètement inadaptée. C'est ainsi qu'un jour j'ai demandé au directeur du collège d'expliquer à mon fils la sanction qu'il avait prise puisqu'au demeurant j'étais incapable de le faire. Ledit directeur "s'est embrouillé les pinceaux". Mon fiston a dû s'exécuter car il ne fallait pas que le directeur perde la face mais l'erreur d'appréciation ne s'est plus jamais produite. Bien entendu, j'ai non seulement expliqué à mon fils pourquoi il fallait digérer seul une sanction qui aurait dû concerner un autre élève mais je lui ai aussi fait remarquer que cela avait été utile puis qu'il ne s'était plus jamais retrouvé dans la même situation. Quelques années plus tard, le directeur me disait ne plus avoir de difficultés à gérer mon fils, il ne m'a appelée qu'une fois à l'aide : ce jour là face au mutisme de mon fils, j'ai essayé de trouver ce qui le mettait en colère. J'ai évoqué plusieurs explications, le directeur m'apportant son point de vue au regard des évènements dont il avait connaissance. C'est ainsi que j'ai compris ce qui s'était passé. Ceci nous a permis au directeur et à moi-même d'apporter à mon fils une réponse juste et adaptée. Cet épisode m'a démontré si besoin était les progrès que cet homme avait accompli non seulement dans sa compréhension du fonctionnement de mon fils mais aussi dans sa perception du rôle que je pouvais avoir en tant que parent.

Pour agir ainsi, il fallait aussi que ce directeur comme moi-même ne restions pas sur les erreurs passées et soyons capables de construire quelque chose de positif dans l'intérêt de mon fils. Pour lui qui avait dans son projet d'établissement la prise en compte des enfants en difficultés, le challenge était important mais pour moi il s'agissait tout simplement de son maintien en classe et de son avenir. Il faut savoir "oublier" les erreurs que les enseignants ont pu commettre : nous aussi avons dû apprendre à gérer notre tdah. Tenir rancune de ce qui ne s'est pas bien passé, ne permet pas de contruire pour l'avenir.

Je sais que mes années d'exercice professionnel m'ont beaucoup aidée. Par métier, je travaille avec des personnes d'origine et de formation différentes c'est ce qu'on appelle le travail en partenariat. Celui-ci est exigeant car il faut à la fois savoir imposer son point de vue tout en prenant en compte celui de ses interlocuteurs. En clair chacun doit faire bouger son curseur pour arriver à s'entendre avec les autres. Je reconnais que mes réflexes professionnels prennent le dessus lorsque je me suis retrouvée dans une situation délicate pour mon fils avec une nuance toutefois, ma détermination : rien ni personne ne pouvait me faire dévier de mon objectif. Quand les enseignants disent qu'ils sont confrontés à des enfants qui ne connaissent pas les règles élémentaires de la civilité :c'est une réalité. Mais , ils doivent être en mesure de faire la différence avec les difficultés spécifiques qu'ont les hyperactifs à acquérir les compétences sociales indispensables. Aujourd'hui, dans leur démarche, ils n'ont souvent pour alliés que les parents. Pire au sein même de l'institution, il se trouve encore des personnes pour nier l'existence du tdah et refuser le diagnostic du spécialiste, aucun corps de métier n'est épargné par ces errements, enseignant, directeur, enseignant référent, médecin de santé scolaire, psychologue.... et j'en passe.

Ne l'oublions pas lorsque nous avons la chance d'avoir affaire aux autres dont on ne parle pas et qui se débrouillent pour aider nos enfants du mieux qu'ils peuvent.

 

Carla

12/04/2008