GUIDE PRATIQUE DE L'HYPERACTIVITE DANS L'HEXAGONE

Pour le comprendre, il faut se débarrasser de la connotation morale qui est donnée au mensonge.

Quand on dit à un enfant, " ce n'est pas bien de mentir ", on donne une valeur morale à son comportement. Si on en rajoute en lui disant qu'il est  " méchant ", on contribue à faire dégringoler son estime de soi et on n'améliore en rien son comportement. Il aura même tendance à s'enferrer dans cette attitude. La meilleure façon d'y remédier est de lui faire valoir qu'il n'a pas intérêt à travestir la réalité.

Comme je l'ai déjà écrit à plusieurs reprises, il faut être très prudent dans la façon que nous avons d'apprécier les actes des enfants TDAH et surtout éviter les jugements moraux. Il en est ainsi du mensonge.

Ce comportement est assez fréquent chez les TDAH si j'en crois les témoignages des parents. Ils sont particulièrement agacés par le sentiment que leur enfant les " prend pour des imbéciles ". Ils considèrent que ce dernier devrait se rendre compte qu'il leur est aisé de vérifier ses dires. Cette réaction est valable pour tous les adultes qui ont affaire à ce type d'enfant.

J'ai mis pour ma part assez longtemps à comprendre que celui qui " vous prend pour un imbécile " a en fait une incapacité majeure à se représenter notre perception des choses. Et quoi qu'on en pense, cette aptitude, indispensable à la gestion des relations sociales, n'est pas donnée à tout le monde. Pour arriver à prendre de la distance vis à vis de ce genre d'attitude, il faut avoir compris que l'autre est incapable d'évaluer votre capacité d'analyse. On constate ici à quel point nous nous jaugeons au travers du regard des autres. Quand celui-ci, pense-ton ne nous flatte pas, nous sommes plutôt en colère. C'est toujours à nous que nous renvoyons l'attitude des autres. Cette absence de distanciation nous empêche de repérer ce qui ne va pas chez eux.

Les psy ont constaté depuis longtemps que confronté à une de ses bêtises, le petit enfant nie l'évidence. Ils disent alors que dans son esprit, nier les faits c'est les effacer.

La socialisation passe par un apprentissage indispensable : être en mesure de se représenter ce que les autres pensent. Or au début de son existence, l'enfant en est incapable. Du coup, il n'imagine pas que ses parents témoins de ses sottises n'auront aucun mal à savoir ce qu'il a fait, puisqu'ils l'ont vu.

Cette capacité à se représenter ce qui se passe dans la tête des autres finira pas s'acquérir " naturellement " mais pas chez le jeune TDAH. Il garde non seulement une incapacité à se représenter ce que les autres pensent mais aussi ce qu'ils peuvent aisément déduire. C'est une conséquence directe du déficit d'attention.

Dès les 4/5 ans, l'école va contribuer à développer cette tendance à " mentir " et ce pour une raison très simple. On veut qu'il respecte un certain nombre de règles conformes aux exigences sociales attendues d'un enfant de son âge. Notre TDAH n'y parvient pas. Et assez rapidement pour éviter réprimandes et punitions, il va se mettre à mentir. Comme il n'a pas de capacité de se projeter dans le temps, il n'anticipera pas les conséquences à terme. Il est dans l'immédiateté et dans cet espace temps, le mensonge est le seul outil dont il dispose.

Le mensonge n'est rien d'autre qu'un moyen de défense car il sait qu'il est incapable de satisfaire aux exigences de comportement qu'on attend de lui.

L'attitude que nous allons adopter est alors essentielle pour éviter que cette habitude ne s'installe de façon définitive. Il ne faut pas croire que le comportement va changer en quelques semaines. C'est impossible. Il faudrait qu'il n'ait plus de difficultés à l'école et qu'il ne sente plus " obligé " de mentir. Vous ne l'empêcherez pas à recourir à cette parade parce qu'il n'a pas d'autre solution. Mais vous éviterez que le mensonge devienne un trait de personnalité, car arrivera le jour où il n'aura plus besoin de s'en servir. Si vous avez évité de le traiter de menteur et si vous avez considéré ce comportement pour ce qu'il est c'est à dire une réaction de défense, il saura l'abandonner.

Le mieux c'est de lui démontrer systématiquement, que ce n'est pas son intérêt car :

• il n'arrivera pas tout seul à gérer les provocations des camarades. Surtout si comme je l'ai fait à plusieurs reprises, vous prenez la peine d'expliquer à la communauté éducative les relations toxiques qui se créent entre les provocateurs et le provoqué, le provoqué étant sanctionné alors que les provocateurs ne le sont pas. Cet engrenage est fréquent en milieu scolaire et est en partie à l'origine des exclusions. Méfiez-vous aussi de ce qui se passe entre frères et soeurs. Qui pousse l'autre à l'erreur ? Si vous avez une appréciation claire des faits, votre TDAH n'aura pas de sentiment d'injustice ce qui est source d'agressivité.
• dites-lui que plus personne ne le croira au moment où il en aura besoin (mettez le en pratique en refusant d'admettre des propos que vous savez exacts )
• expliquez-lui que vous apprendrez tôt ou tard ce qu'il a fait (en gros cela ne sert à rien de mentir) : encore faut-il que vous n'en rajoutiez pas quand vous avez connaissance des bêtises qu'il a pu faire en classe.
• ne jamais prendre le relais des punitions scolaires. et ce même si les enseignants attendent que vous le fassiez. Expliquez-lui en quoi la punition de l'école se justifie – si c'est le cas bien entendu. Ce sera largement suffisant.
• Prenez de la distance en évitant de dramatiser les choses et en n'en faisant pas une affaire personnelle : c'est votre enfant qui a des problèmes pas vous. Il ne faut jamais l'oublier.

Quand sa situation scolaire et sociale sera bonne, il devrait s'arrêter progressivement de vous raconter des " histoires ". Mais il est clair qu'il faudra être vigilant pendant des années. C'est à notre attitude qu'il faudra faire attention, en évitant de stigmatiser chaque " mensonge " et en se plaçant de son point de vue pour lui rappeler à chaque fois en quoi il ne se rend pas service en agissant ainsi. Naturellement pour que cela soit efficace, il faudra que votre réponse soit cohérente. Un enfant TDAH plus qu'un autre a besoin que l'attitude de ses parents soit constante et claire. Si vous réagissez en fonction de votre humeur du moment, il y a peu de chances que vous puissiez améliorer les réactions de votre enfant. Eviter de lui dire qu'il ment, utilisez d'autres termes ou expressions comme : "raconter des histoires", "ne rien dire".

En grandissant, votre enfant ne ressentira pas forcément le besoin de vous raconter les petits évènements de son existence. Il faudra le respecter dès lors que cela n'a pas d'incidence sur votre responsabilité de parent. L'apprentissage de l'âge adulte, c'est aussi savoir prendre de la distance vis à vis de ses parents et gérer seul les incidents de la vie quotidienne. Et n'oubliez pas une règle d'or, éviter de sanctionner un enfant quand il vous informe des sottises qu'il a commis en votre absence. Eviter de vous fâcher... sinon il deviendra à l'âge adulte un véritable "menteur".

Enfin vous pouvez vous attendre à ce qu'il devienne assez fin psychologue mais attention à cette propension qu'ont beaucoup d'hyperactifs à s'enthousiasmer et à faire rapidement confiance... Beaucoup conservent un optimisme et un dynamisme assez remarquables mais comme toute médaille, elle a son revers. Ils courrent plus que d'autres, le risque d'être déçus car ils ont tendance à sous-estimer les risques. Analyser prend du temps, et l'espace temps dans lequel s'inscrivent les TDAH est souvent trop court pour leur permettre de le faire correctement.

L'éducation d'un TDAH doit lui donner les clefs pour se connaître et mesurer ce qui fait sa spécificité par rapport aux gens "normés". A terme, cette connaissance devrait même constituer un atout...

Carla

07/2006