L'hyperactivité est-elle un handicap ?

Le point de vue de Carla

Je dois ici remercier Natacha de me permettre d'exprimer mon avis sur cette question qui fait régulièrement l'objet de controverses. D'ailleurs en France, faire admettre l'hyperactivité comme un handicap à part entière ne va pas de soi.

Natacha décrit une partie de cette réalité multiple qu'est l'hyperactivité. Car il n'y a pas d'hyperactif type. Etre hyperactif, ce n'est pas synonyme d'echec. Disons seulement que c'est un facteur de risque.

1 - Le handicap est défini par le dictionnaire Robert comme une maladie, une malformation gènante dans la vie courante. Les personnes concernées font référence à ces deux notions : certaines parlent de maladie, d'autres de dysfonctionnement etc.

Je pense pour ma part que la frontière entre maladie et malformation n'est pas aussi claire que cela. En toile de fond au développement de certaines maladies, on trouve souvent une prédisposition génétique, un terrain "favorable". Dans l'esprit de beaucoup, le mot handicap est associé à la "maladie" mentale (trisomie 21, autisme etc) ou au handicap physique (c'est l'image de la personne en fauteuil roulant) D'ailleurs les prises de position des politiques ne reflètent pas d'autre chose.

Notre société a une image très réductrice du handicap. Celui-ci peut être présent dès la naissance, mais il peut arriver à n'importe quel moment de la vie sous le double effet des accidents et de l'âge. Mais ce n'est dans l'esprit de personne et surtout pas de ceux qui rejettent l'idée même de cotoyer les personnes qui en sont atteintes. Admettre que cela n'arrive pas qu'aux autres serait sans doute de nature à changer le regard sur toutes les formes de handicaps. Car les accidents et l'âge fabriquent également des handicapés physiques et mentaux.

Il y a ce qu'on appelle les handicaps non visibles : les personnes atteintes sont intelligentes mais dans l'incapacité de "performer" comme la moyenne des gens dits "normaux". Le reflexe naturel des personnes normées, c'est d'émettre un jugement de valeur : paresse, méchanceté voire même bêtise est l'opinion communément admise. La grande erreur, le suprème malentendu, c'est de considérer qu'elles le font expres.

En clair, chacun juge par rapport à des repères complètement inadaptés pour ces personnes car ils n'ont de sens que pour celles qui sont en possession de toutes leurs facultés. Ils crèent de fait paree qu'ils sont majoritaires un environnement défavorable à l'évolution harmonieuse de tous ceux qui ont une déficience fonctionnelle invisible à leurs yeux. Ces déficiences sont de plus en plus gènantes au fur et à mesure de l'évolution de notre société qui exige des individus performants et réactifs. La dyslexie posait infiniment moins de problèmes dans une société rurale où l'écrit n'avait pas la place qu'il a aujourd'hui. L'hyperactif pouvait espérer plus facilement avoir un métier à l'âge adulte quand la possesion d'un diplôme n'en n'était pas la condition "sine qua non". Cette société crée aussi des situations inconnues des siècles précédents. Ainsi en est-il des séquelles de la prématurité au titre desquelles figurent le déficit attentionnel avec ou sans hyperactivité et la dyspraxie.

Les exigences de notre société accentuent le caractère péjoratif de la moindre difficulté alors que parallèlement l'évolution de la médecine a contribué à augmenter le nombre de personnes handicapés dont elle a amélioré le pronostic vital.

2) une déficience présente à la naissance rend plus difficile le développement harmonieux de la personnalité.

Dans la France d'aujourd'hui et même si l'on constate qu'ici ou là les choses s'améliorent, on applique encore trop souvent aux comportements des explications stéréotypées. Cette attitude n'épargne pas les professionnels bien au contraire. Ainsi il est fréquent qu'un thérapeute informé de l'hyperactivité de l'enfant continue à formuler sur son comportement des analyses erronées. Or, cette attitude est grave car elle est de nature à accroître les difficultés psychologiques de la personne. Je suis pour ma part toujours étonnée de voir à quel point les explications les plus simples mais surtout les plus logiques sont étrangères à bien des professionnels. Une personne intelligente se rend compte qu'elle n'a pas les aptitudes sociales et qu'elle ne "performe" pas comme les autres. Croyez-vous sérieusement qu'une pareille situation se vivre aisément ? Dans le cas des hyperactifs très souvent sujets au rejet ou tout au moins à l'isolement, pensez-vous raisonnablement qu'ils puissent vivre cela sans séquelles psychologiques. L'effet de l'environnement sur les personnes normales est parfaitement admis et il est pourtant quasiment occulté quand on traite des déficits neurologiques. En clair "pourquoi aller chercher midi à 14 heures" quand l'explication est à ce point simple et naturelle ? Tout simplement parce que la méthode d'approche est mauvaise et que la démarche scientifique fait défaut. Le professionnel et la personne dans la norme recherchent dans leurs "archives personnelles" fruit de l'éducation et de la formation, le tiroir qui parait correspondre à ce qu'il voit. Et si je puis utiliser cette image, elles n'ont jamais de tiroir vide dans le lequel déposer ce qui mérite reflexion.

Or, il est pour moi une évidence : l'enfant se construit dans les toutes premières années de sa naissance. Pour y parvenir, il doit avoir des facultés correctes si celles-ci ne le sont pas, il ne pourra pas y parvenir spontanément. Qu'il trouve seul ou non des palliatifs, ils seront toujours imparfaits puiqu'il lui manque certaines aptitudes. L'hyperactivité de mon fils m'a beaucoup appris sur les premières années de la vie et sur l'aptitude indispensable à l'acquisition des compétences sociales : l'attention. C'est elle qui est le principal outil de gestion du comportement. Qu'il soit défaillant et il n'y aura pas acquisition des aptitudes sociales indispensables. C'est la première pénalité.

La deuxième c'est la difficulté à acquérir des apprentissages normaux : je ne développerai pas ici car c'est une idée qui me parait facile à comprendre. Impossible d'apprendre si on n'est pas en mesure de faire attention à ce que l'enseignant explique et incapable de suivre longtemps la même idée. Difficile de lire lorsque le cerveau n'est pas apte à décoder correctement le mot ou la phrase ( dyslexie) et s'il n'est pas en mesure de gérer les mouvements qu'implique tout apprentissage, faire aller le regard du tableau à la feuille, exécuter les gestes fins qu'exige l'écriture (dyspraxie) etc.

Lorsque l'enfant n'a pas pu faire les apprentissages sociaux de base, il va se retrouver rejeté voire écarté par ceux qui ont intégré tous les codes indispensables à la vie en groupe. De fait, ce rejet obère ses chances de parvenir un jour à acquérir ces compétences. Cette réaction de l'environnement vient donc alourdir les pénalités car elle obère l'avenir.

Alors handicap ou pas ?

Il n'y a pas une mais plusieurs réponses à cette question.

Un hyperactif doté d'un quotient intellectuel supérieur à la moyenne a plus de chance de s'en sortir car sa rapidité de compréhension va pour partie compenser les effets péjoratifs de son déficit attentionnel ( c'est à n'en pas douter l'exemple de Natacha) Encore faut-il avoir la chance d'y être aidé par un environnement familial favorable. Ainsi tel médecin m'explique que son père est intervenu afin de lui éviter les redoublements et que vers 16 ans - à l'âge où certains effets de l'hyperactivité et du déficit attentionnel sont atténués ou dispaissent- il s'est accroché et a mené à la surprise de tous des études supérieures.

C'est certainement le cas le plus favorable. Cependant, à voir les difficultés relationnelles que ce médecin a rencontré, je ne peux m'empêcher d'être convaincue qu'il lui reste des "séquelles" de son DA car ses compétences sociales sont insuffisantes. Un conjoint compréhensif peut certainement réduire les problèmes. Il lui appartiendra peut-être de gérer l'organisation familiale ce que notre hyperactif aura souvent du mal à faire.

Très souvent l'hyperactivité est associée à un autre déficit neurologique ce qui implique des difficultés d'apprentissage accrues. Le pronostic au regard du niveau scolaire sera généralement bien moins favorable. Si là aussi le milieu familial est déterminant car il est la meilleure garantie d'une progression, celle-ci sera plus lente et moins poussée. La déscolarisation de ce type d'enfant est fréquente. Et dans ce cas, je pense que le mot handicap prend tout son sens.

Ainsi en est-il de bien des handicaps. Deux personnes atteintes du même trouble n'auront pas forcément le même parcours. Selon sa gravité et les compétences du milieu familial, elles évolueront plus ou moins bien. Mais n'empêche, elles ont bien le même problème. Du coup on comprend que certains puissent garder un réél optimisme et d'autres pas.

Il est en effet ridicule de parler de handicap dans le cas des hyperactifs qui ont bien réussi leur vie et qui sont parfois les meilleurs dans leur domaine. Mais certains moins chanceux auront des parcours extrèmement difficiles avec à la clef le chômage (faute de compétences sociales et de niveau d'instruction suffisants), une difficulté réèlle à nouer des relations harmonieuses dans leur vie personnelle et dans le pire des cas se tourneront vers la délinquance et la toxicomanie.

Améliorer le pronostic de l'hyperactivité grâce à l'information du plus grand nombre, c'est l'objectif de Carla7. Un objectif ambitieux certes, mais qu'heureusement je ne suis pas seule à partager.

 

Carla

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