GUIDE PRATIQUE DE L'HYPERACTIVITE DANS L'HEXAGONE

Que faut-il penser de l'information diffusée par les media ?

 

Je suis rarement satisfaite de l'information donnée par les media. Si certaines émissions parviennent à faire une présentation correcte du trouble ce n'est malheureusement pas le cas de la majorité d'entre elles.

Pour illustrer mon propos, je retiendrai l'exemple des émissions télévisées. Autant il m'arrivait il y a encore quelques années de réagir autant je suis désormais convaincue de la vanité de mes efforts devant la persistance qu'ont certains à faire le choix de la désinformation. Globalement, ceux qui témoignent d'un véritable souci d'information feront des émissions de bonne qualité pendant que d'autres persisteront à falsifier la vérité scientifique.

Les émissions témoignages :

Dans ce type d'émission, ce sont les parents qui ont la parole. La part donnée au spécialiste est réduite. La qualité de l'information reçue dépend du choix des témoins et... des coupures au montage. Le mérite de ces émissions est de laisser s'exprimer les personnes concernées, ce qu'elles ont rarement l'occasion de faire. Mieux que quiconque, elles peuvent expliquer les difficultés auxquelles elles sont confrontées et les répercussions du trouble sur la vie familiale et la vie de couple. Cependant l'hétérogéinité des situations présentées sur le plateau ne permet pas au téléspectateur de se faire une idée correcte de la question. Faire cohabiter dans la même émission des parents d'enfants présentant des difficultés de nature différente introduit la confusion chez celui qui regarde. Les personnes déjà averties sont souvent satisfaites de la présentation, pas le professionnel qui voit débarquer dans son cabinet des parents induits en erreur.

Les émissions santé

Celles-ci présentent des rubriques souvent courtes mais généralement bien préparées. On s'appuiera sur la participation d'un spécialiste ce qui limite en principe les risques de dérapage. Encore que... dès qu'il s'agit de la prescription, le spécialiste invité opte souvent pour la prudence. Et presque inévitablement une inexactitude se glisse : le spécialiste dira que le traitement ne dure en moyenne que deux ans tout en reconnaissant pourtant que deux tiers des hyperactifs le restent à l'âge adulte. On mesure dans ce type d'"erreur" la persécution dont les prescripteurs font l'objet. Car lorsqu'on échange avec les parents de leurs patients, on sait que dans la pratique eux-mêmes n'arrêtent pas la prescription au bout de deux ans. Ils ne le feront logiquement que pour un tiers de leurs patients, ceux qui au moment de la puberté voient disparaître leur déficit attentionnel. Donc pour un enfant qui aura été diagnotiqué en temps utile à savoir à 6 ans, on peut s'attendre à ce qu'il prenne le traitement entre 7 et 10 ans au moins. Les autres devront continuer à le prendre chaque fois qu'ils sont confrontés à une situation trop difficile à gérer pour eux. A moins qu'on ne préfère augmenter le nombre de personnes au chômage et marginalisées.

Autre erreur rencontrée couramment : la persistance à qualifier ce trouble de psychologique. Ce qualificatif viendra le plus souvent du présentateur mais il est important car il contribue à maintenir la confusion dans les esprits.

A ce propos, il me parait important d'avertir les parents sur la recommandation fréquemment donnée de s'orienter vers le cmp. Il y a à cela plusieurs raisons. Les praticiens restent attachés à cette structure qui appartient à l'hôpital psychiatrique dont ils font partie. Par ailleurs, le développement des réseaux débouche sur une volonté de répartir les tâches entre les différentes structures de soins et d'éviter l'engorgement des centres de diagnostic. Pour limiter l'afflux vers le service hospitalier, on va donc orienter vers le cmp en espérant qu'il fera le tri parmi les cas qui relèveraient du centre de diagnostic et les autres. Mais le problème, c'est qu'on met la plupart du temps la charrue avant les boeufs : pour pouvoir orienter en première intention les parents vers les cmp, il faut encore que le personnel ait reçu la formation nécessaire. Ce n'est pas toujours le cas, loin s'en faut. Et même dans cette hypothèse, les réflexes ont la vie dure. Le thérapeute recherchera d'abord des causes psychologiques au trouble, considérant la composante neurologique comme un accessoire qui ne modifie en rien son mode d'approche.

Les émissions d'information "grand public".

Dans ce cas, on s'aperçoit que le principal propos n'est pas d'informer mais de faire de l'audience et de faire valoir l'opinion des auteurs sur la question. La présentation du sujet sera accrocheuse ou orientée. Ces émissions là sont reconnaissables car on y retrouve souvent les mêmes arguments :

- 'intolérance sociale : les enseignants veulent des enfants dans la norme et exigent le traitement faute de quoi ils menacent l'enfant d'exclusion. De l'art d'utiliser des faits réels pour servir d'argument au refus du traitement. Je pense que sur ce principe, on pourrait dire qu'il n'y a pas de problème de racisme puisqu'il témoigne d'une intolérance sociale. On voit à quel point cet argument est spécieux;

- la défaillance parentale : les parents sont dépassés par l'éducation de leur enfant. Ce n'est pas l'enfant qui est ingérable pour des personnes normalement constituées.

- la prise en charge sans traitement présentée de façon favorable : un suivi psychologique et des méthodes adaptées permettent selon les auteurs d'améliorer le comportement. Mais on se garde bien de dire ce qu'il advient de l'enfant après des années de cette "prise en charge".

- les vérités scientifiques sont falsifiées sans vergogne : le traitement est une drogue - alors qu'il est scientifiquement prouvé qu'il n'entraîne aucune accoutumance biologique - et change la personnalité de l'enfant, argument fallacieux qui nie le caractère invalidant du trouble. Comme preuve, on signalera que dans certains pays les enfants se font racketter pour donner leur médicament, on dira qu'il y a eu décès après la prise de ritaline. Cette argumentation se sert des exemples de détournement du médicament pour justifier le refus de prescription. Autant dire qu'il ne faut plus distribuer l'aspirine sur la base des accidents imputables à l'automédication.

- la ritaline est présentée comme un traitement qui calme les enfants c'est à dire comme un sédatif ou un neuroleptique ce qu'elle n'est pas. C'est un dérivé d'amphétamine autrement dit un "excitant" ou diront les professionnels, un psychostimulant. Drôle de calmant !

- on suggère qu'on ne connait pas les conséquences à long terme du traitement ce qui est complètement faux vu le nombre d'études dont il a fait l'objet. On sait ainsi qu'il prévient des risques de conduites addictives et délinquantes. Mais dans ce type d'émission, l'amélioration du pronostic initial n'est pas évoqué.

- on ne parle pas de l'avenir des enfants et on n'interrogera jamais un jeune qui a poursuivi sa scolarité grâce au traitement.

- on ne signalera pas non plus des compétences qu'exige le diagnostic et le manque de formation de la plupart des professionnels sur ce trouble.

- on se gardera d'insister sur le fait qu'un hyperactif peut être invivable en classe et que l'enseignant le plus compréhensif finira par abandonner ce qui se solde par une sortie précoce du milieu scolaire.

- on évitera de signaler que le TDA/H résiste à toutes les psychothérapies et que les rééducations sans ritaline sont inefficaces : le caractère objectivement invivable du TDA/H pour la vie familiale et pour l'enfant ne sera pas démontré.

- le TDA/H sera présenté principalement sous son aspect le plus médiatique, l'hyperactivité : on ne mettra pas en évidence le déficit attentionnel au centre du trouble et ses différentes manifestations.

- on n'expliquera pas que la prise en charge est plurimodale et doit associer le traitement aux rééducations et à la psychothérapie ; qu'il n'y a pas à choisir : il n'y a que le traitement qui puisse compenser le déficit attentionnel et qui permette de rendre les rééducations efficaces.

Le fait qu'on présente le témoignage de ceux qui prescrivent ne doit pas faire illusion. Aucune émission ne peut avoir la prétention d'avoir traité son sujet sérieusement si elle se fait en même temps l'écho de contrevérités scientifiques.

Conclusion

De façon générale, la compréhension de ce trouble nécessite un apprentissage d'autant plus long qu'il oblige à une remise en cause d'un certain nombre de présupposés intègrés par chacun depuis le plus jeune âge. Le temps imparti aux média est insuffisant pour faire comprendre que le déficit d'attention pollue tous les actes de la vie quelle qu'en soit la nature. Impossible de digérer sans un minimum de travail personnel ce que signifie le déficit du contrôle de soi. Difficile de faire comprendre que les règles éducatives classiques peuvent être toxiques pour ces enfants.

Il est selon moi inévitable que la présentation de ce trouble par les media soit insuffisante et partielle. De même, il est impossible d'éviter que le télespectateur ne retienne de l'émission que ce qui l'intéresse en ignorant des précisions indispensables à la compréhension du TDA/H.

Reste qu'il est intolérable de voir se perpétuer dans des émissions grand public des contrevérités scientifiques qui sont la marque d'une emprise sectaire.

 

 

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