Guide pratique de l'hyperactivité dans l'Hexagone

 

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Le recours au juge des enfants : une arme à double tranchant.

Je ne saurais trop conseiller aux parents de ne recourir à cette solution qu'avec la plus grande prudence.


Car le parent qui saisit le juge des enfants n'est pas à l'abri de se voir retirer ses enfants. Comme je l'ai signalé par ailleurs, les personnes normées ont le plus souvent une mauvaise appréhension de ce déficit neurologique. Si vous appartenez à une famille «hyperactive» c'est à dire dont plusieurs membres de la famille sont concernés par le syndrome, il y a fort à parier que vous passerez au mieux pour des originaux, au pire pour des parents toxiques.

Il n'est pas rare également que face au conflit des parents, le juge fasse le choix de placer l'enfant plutôt que de le confier à l'un d'entre eux.

Un juge qui entend plusieurs «sons de cloche» des différents membres de la famille père, mère, grand-parents.... ne sera pas en mesure de faire correctement la part des choses. Pour y parvenir, il commandera un certain nombre d'expertises notamment si vous évoquez les causes neurologiques du comportement de votre enfant dans votre argumentation.

Et là vous serez confronté à l'ignorance généralisée des institutions et professionnels appelés à apporter leur point de vue. Car si la connaissance théorique se répand, la connaissance pratique (clinique) de cette déficience neurologique reste peu répandue. Ainsi tel psychiatre désigné en tant qu'expert ne connaît pas bien les caractéristiques neurologiques du trouble voire a du mal à en admettre l'existence, au demeurant votre enfant va mal. Les effets sur le comportement de ce mal être n'ont rien de spécifiques : dépression, agressivité fugues etc.... toutes attitudes que manifestent les jeunes qui vont mal et ce quelle qu'en soit la cause.

Non seulement le juge va désigner des experts peu ou pas compétents mais les mettre en contact avec le spécialiste qui s'occupe de votre enfant n'est en aucun cas la garantie d'une écoute attentive. Ces professionnels n'ont pas le même système de référence. Si vous avez la chance qu'un spécialiste hospitalier vous appuie, cela devrait vous aider.

Mais gare à votre attitude avec ce même professionnel. Le parent hyperactif soucieux de son enfant va relancer le spécialiste de nombreuses fois....et se le mettre à dos. Il ne sera plus un soutien en ce cas.

Si je le signale, c'est que le spécialiste qui s'occupe de mon fils m'a fait remarquer l'aspect irritant que présente le comportement des personnes hyperactives pour des personnes normées. Quelles que soient ses compétences sur le sujet, un médecin est d'abord un être humain qui réagit comme tout un chacun face aux attitudes qu'il estime insupportables. Il a beau en connaître l'origine, son évaluation au final ne sera pas différente de celle des autres. Pour ma part je ne suis pas TDAH et il semble que mon contact avec les personnes concernées soit généralement bon. C'est aussi la particularité du médecin qui s'occupe de mon fiston. Il m'a pourtant confié sortir épuisé de certaines consultations quand il a dans son cabinet parents et enfants TDAH....

Méfiez-vous ! D'autant plus si comme beaucoup d'adultes TDAH, vous voyez systématiquement les choses de façon positive. Autant c'est utile dans certaines circonstances de la vie, autant cela peut être risqué dans d'autres.


Le risque d'être déçu par les propositions qui vous seront faites est également important. Car dites vous bien une chose : quand un enfant et notamment un ado pose problème, les solutions de prise en charge sont rares et souvent inadaptées. La France souffre d'un cruel manque de lits de pédopsychiatrie. Seuls les jeunes les plus gravement atteints y sont accueillis. Un TDAH n'en fait généralement pas partie. La plupart du temps, les parents souhaitent des structures type internat pour les accueillir. Or les internats scolaires sont rares. La plupart du temps, ils existent pour les filières agricoles car les jeunes qui suivent ces formations sont souvent domiciliés très loin de leur établissement. Si actuellement, on parle de créer des «internats de réussite éducative», ce n'est pas par hasard : il n'existe pratiquement pas de structures scolaires qui associent une véritable prise en charge éducative. A l'inverse, il existe des établissements qui dépendent du ministère de la santé mais ils privilégient le soin sur la scolarité.(institut thérapeutique éducatif et pédagogique notamment)

Or la plupart du temps, ce que vous demandez, à savoir un internat qui outre une scolarité classique assure une prise en charge éducative solide, n'existe pas.

Surtout vous vous dites que vous n'avez pas les moyens d'assurer les frais de scolarité dans le privé. De toutes façons, le privé n'a pas non plus de compétence particulière pour s'occuper correctement de ces jeunes.

Si, après enquête sociale, on vous propose tel ou tel établissement y compris dans le privé participant au service public. Vous serez déçu car :

Il y a une raison à cela : ce que vous cherchez n'existe pas....

 

Au final, vous aurez beaucoup espéré et peu obtenu. Votre enfant continuera de vous coûter cher car à moins que son cas trouve une solution dans un établissement médico-social (pris en charge par l'assurance maladie), hypothèse qui est rarement adaptée, vous devrez au final vous contenter d'une orientation «bancale».

 

Le plus important, c'est que votre enfant soit dans un établissement dont le personnel accepte de s'informer sur le TDAH et surtout admette de remettre en cause sa pratique professionnelle. Cela suppose aussi un établissement qui considère les parents comme des partenaires à part entière. Et pour cela, le réseau parental me paraît aussi adapté sinon plus que le recours au juge des enfants. Faire le tour des professionnels a aussi son utilité. Personnellement, le collège dans lequel est mon fils aujourd'hui, m'a été indiqué par un autre établissement. Mais ne croyez surtout pas que la formation et l'ouverture d'esprit de la communauté éducative soit suffisante. Car là aussi, il y a un grand pas de la théorie à la pratique. Il m'a fallu des années avant que l'établissement dans lequel mon fils est scolarisé :

 

En conclusion, un petit conseil : ne négligez pas la prise en charge psychologique et apprenez à être parent d'un TDAH pendant sa petite enfance... sinon vous risquez de le payer très cher à l'adolescence. Le traitement ne vous aidera pas à régler les problèmes d'opposition, les fugues etc.... C'est alors le plus souvent que vous serez tentés de saisir le juge des enfants.

Il est utile de se passer du traitement le soir et pendant les périodes de vacances scolaires car c'est là que nous pouvons apprendre à - mieux nous contrôler et à éduquer notre TDAH. Surtout essayez, car vous en tirerez profit quand il sera adolescent. C'est dur car cela suppose notamment - que les deux parents se soutiennent, s'entendent sur les méthodes à appliquer et gèrent impérativement les relations de la fratrie. Car deux adolescents qui se castagnent, c'est ingérable.... il vaut mieux avoir expérimenté des règles de cohabitation avant. Le cas échéant n'hésitez pas à recourir à la thérapie familiale ( là encore avec un thérapeute qu'on vous aura recommandé). Les pères sont les plus hostiles à cette démarche car elle leur paraît remettre en cause leur autorité pour ne pas dire leur virilité. Or l'enfant hyperactif met en danger le couple et les relations familiales. Lorsque les relations deviennent difficiles et que la famille n'a plus de ressources pour les améliorer, recourir à un tiers formé a son utilité. Il permet à chacun de mieux comprendre les interactions familiales et le rôle qu'il joue face à l'élément perturbateur que constitue un enfant hyperactif. Cela éclairera l'engrenage des relations et ce qui les rend difficiles. On verra alors que le plus souvent on réagit au lieu d'agir. Or la réponse que l'on donne à ce qui nous agace, nous indigne... etc conditionne l'escalade ou au contraire la pacification de la situation. Personne ne nous a jamais appris à voir les relations humaines sous cet angle. Ce sont au contraire nos propres sentiments qui sont placés au premier plan. Nous en faisons une question d'amour propre et ce faisant nous n'avons plus prise sur les évènements. Glabalement tout un chacun fonctionne ainsi : sauf qu'avec un TDAH, ce type d'attitude devient vite problématique. Chacun dans la famille joue un rôle dans les difficultés et cela à son corps défendant. L'enfant hyperactif agit comme un détonnateur mais tous contribuent à entretenir l'incendie.

Dites vous bien que ce qui se joue en famille connaît des développements similaires en milieu scolaire. Savoir l'analyser vous permettra de faire les bonnes remarques et de poser les bonnes questions aux enseignants.

Surtout il ne faut pas hésiter à solliciter une aide appropriée. Un enfant ne s'élève pas qu'avec ses parents mais aussi avec son entourage social (école etc). On sait à quel point l'environnement social peut être toxique pour les TDAH, ce qui va vous obliger à être un parent plus armé que les autres. Armé pour gérer mieux qu'un autre le quotidien de votre TDAH. Dans cette quête, vous trouverez notamment conseil auprès des parents concernés ainsi qu'auprès de quelques professionnels. Apprennez à vous faire confiance car peu sont susceptibles de s'occuper correctement de votre enfant sans votre participation. Ainsi en est-il notamment des enseignants, des moniteurs et professeurs de sport et de tous ceux qui jouent un rôle dans la vie sociale de votre TDAH. Dès que c'est possible choisissez l'école, les clubs de sport, bref tous les cadres sociaux dans lesquels il sera appelé à évoluer de la petite enfance à l'adolescence. Vous lui donnerez ainsi les meilleurs atouts pour devenir un adulte équilibré.

On sait que cela suppose dans certains cas, de «mettre le reste de la famille au pas» voire de se passer de son aide ou même de couper les ponts pour pouvoir éduquer ses enfants «tranquillement» Une certaine solitude peut être au rendez-vous. Car vous trouverez peu de monde pour vous comprendre.

En fait, il faudra faire en sorte que l'environnement dans lequel évoluera votre enfant soit porteur en agissant tant au niveau familial que social. Tout est à construire. Pendant des années, vous ne verrez pas de changement radical. Vous serez arrivés à maintenir votre enfant scolarisé dans de bonnes conditions et vous aurez su adopter une éducation adaptée qui limitera les effets les plus gênants de son comportement. Généralement vous devrez attendre qu'il quitte l'adolescence et s'approche de l'âge adulte pour constater une évolution importante. Il passe inaperçu en collectivité, il s'en sort assez bien dans son travail. Toutes choses que vous aurez favorisées en créant autour de lui un environnement adapté.

Eduquer un TDAH, c'est plus que pour un autre enfant, s'inscrire dans la durée.... reste à le faire admettre à tous ceux qui font partie de la vie sociale de votre enfant et en particulier aux enseignants : pour cette profession, la perspective ne dépasse pas l'année, et ils attendent des améliorations en quelques semaines. La perspective des TDAH, elle, se chiffre sur 10 ou 15 ans. Un décalage qui concerne tous les enfants dits "à particularités".

Carla7

août 2006